Noël Nelson MESSONE : « Nos populations sont des sources de savoir sur les écosystèmes locaux »
Dans un entretien accordé au Journal ‘’Le Nouveau Gabon’’ ,le Ministre gabonais de la Forêt, de l'Environnement et de la Protection des Ressources Naturelles, Noël Nelson MESSONE (photo) précise la position de son pays dans le débat sur la lutte contre la déforestation et le changement climatique. Sujets qui seront sur la table lors de la prochaine conférence COP21 sur le climat en France. Par la même occasion, il rappelle la place de la forêt dans le pays et les résultats des réformes engagées par le président Ali BONGO ONDIMBA dans ce secteur.
Le territoire gabonais est aujourd’hui couvert à 85% par la forêt. Aujourd’hui, le débat est axé sur COP21 et le changement climatique, la préservation des forêts et la lutte contre la déforestation. Au moment où les prix du baril du pétrole chutent sur marché mondial et que l’on entend un discours sur la préservation des forêts pour sauver la planète, alors que le bois de la forêt génère d’importantes recettes pour le pays, comment entendez-vous concilier lutte contre la déforestation, exploitation forestière et développement de l’agriculture ?
Noël Nelson MESSONE: La gestion durable de nos forêts est l’une des bases du Gabon vert, qui est le pilier central de la vision du président de la République, chef de l’Etat, Son Excellence Ali Bongo Ondimba, de faire de notre pays un pays émergent. Pour la promotion de la gestion durable de nos forêts, nous allons nous appuyer sur le plan d’affectation du territoire. C’est ce plan qui permettra d’affecter telle ou telle partie du territoire y compris nos forêts pour les activités spécifiques dont l’agriculture commerciale et d’autres types d’activités. C’est donc là le cadre général qui nous permettra d’équilibrer à la fois les besoins et la nécessité de la lutte contre le changement climatique et la nécessité de diversifier notre économie y compris par le développement de la productivité agricole. Vous, savez, une partie de la déforestation qu’on a observé, sachant que le Gabon à un très faible taux de déforestation, nous voulons faire en sorte que les pratiques agricoles évoluent pour que les populations rurales puissent adopter de nouvelles pratiques agricoles faibles en émission de gaz à effet de serre et qu’ils ne détruisent pas davantage la forêt.
Quel sera le discours du Gabon en France au prochain sommet COP 21 sur le changement climatique ?
NNM : Vous savez, le président de la République gabonaise a fait de la question du climat une priorité dès la conférence de Copenhague en 2009. Il a quasiment participé à toutes les COP tenues depuis cette époque pour porter un message. Le premier élément de ce message c’est de dire que le réchauffement de la terre est une réalité. Nos pays africains en sont déjà les premières victimes. Lorsqu’on voit l’assèchement du Lac Tchad, lorsqu’on voit l’érosion côtière, les fortes précipitations avec des inondations, nous ressentons déjà les effets du changement climatique. Il faut donc que l’ensemble de la communauté internationale agisse pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il faut que la communauté internationale se préoccupe des besoins des Etats africains en matière d’adaptation. Il faut s’adapter au changement climatique. Il faut que le transfert des technologies se fasse dans notre pays pour que nous puissions nous prendre en charge pour résister au changement climatique. Et il faut des financements pour cela. Il y a eu l’engagement des pays développé à fournir 100 milliards de dollars à l’horizon 2020. Aujourd’hui, on ne sait pas trop où en est cet engagement. La position du Gabon à la COP21 sera de rappeler tous ces éléments et dire que nos partenaires qui sont des pays développés qui sont le plus responsable du changement climatique assument leur part de responsabilité historique. Le Gabon ne le dit pas pour ne pas assumer la sienne. Nous sommes le premier pays africain à soumettre notre contribution nationale. On était le premier pays africain à le faire pour dire que nous sommes prêts à assumer nos responsabilités communes et différenciées. Nous sommes un pays très faible émetteur de gaz à effet de serre et nous avons quand même voulu montrer notre contribution et notre ambition de faire notre part dans la lutte contre le changement climatique.
Le président Ali Bongo Ondimba a laissé entendre, lors de ce New York Forum Africa 2015 , à Libreville, qu’il ne faut surtout pas que, dans ce débat, on demande au Gabon d’arrêter d’exploiter ses forêts…
NNM : Je pense que le président veut simplement exprimer le fait que nos forêts ont des fonctions multiples. Nos forêts sont à la fois de source de vie, nos forêts sont nécessaires pour la diversification de nos économies, pour développer l’agriculture, pour créer la sécurité alimentaire. Nous savons également que nos forêts sont importantes comme puits de carbone. Toutes ces fonctions-là doivent s’équilibrer. Il est hors de question de dire que parce que les forêts sont puits de carbone, on ne peut plus y toucher. N’est-ce pas ? Sachant que de millions de populations et de personnes vivent des ressources tirées de ces forêts. Voilà le sens de cette interpellation du président de la République.
Quel est aujourd’hui le poids de ressources forestières dans l’économie gabonaise ?
NNM : Vous savez que la forêt a été le premier secteur d’activité de l’économie gabonaise. Le ministère des Eaux et Forêts existe depuis 1957, bien avant l’indépendance. C’est dire l’importance de ce secteur aujourd’hui qui est le deuxième employeur après la fonction publique. Le président de la République a pris la courageuse décision d’interrompre l’exportation des grumes pour que désormais tous les bois gabonais soient transformés au Gabon avant d’être exportés.
Quelle est l’évaluation que vous faite des résultats de cette interdiction d’importation des grumes ?
NNM : Résultat, plus aucune grume ne sort de l’Etat du Gabon. Plus une seule ne sort du Gabon. On a donc entamé le processus de transformation locale du bois. C’est vrai que la majorité des entreprises sont encore au niveau de la première transformation. Il y a quelques-unes qui sont au niveau de la deuxième transformation et nous voulons que cette tendance s’accélère pour qu’il y ait plus d’entreprises qui fassent de la troisième transformation qui est le dernier stade avec la fabrication des produits finis comme les meubles, les portes, etc.
Quelle a été la stratégie mise en place au Gabon pour cartographier les zones prioritaires à préserver et les zones où l’on pouvait exploiter les forêts ?
NNM : Nous avons d’abord commencé par la création des 14 parcs nationaux qui occupent 11% du territoire. Nous avons des espaces qui sont protégés et qu’on ne peut pas toucher aujourd’hui sans demander l’aval du parlement. Ensuite, nous avons fait un vaste travail de cartographie et de géomatique pour identifier les lots qui ont déjà été attribué comme permis forestier, ceux qui sont plus ou moins dégradés, ceux qui sont fertiles, ainsi de suite pour que nous ayons ainsi l’état réel de nos forêts. C’est à partir de cet état réel que nous allons mettre en œuvre ce qui est prévu par le Plan d’affectation des terres. A partir de là, on peut plus facilement gérer nos forêts et le développement agricole qui demande effectivement l’affectation des terres. (…) Il faut que les politiques d’affectation de nos forêts se fassent avec à l’esprit, les intérêts et les besoins de nos populations. Pour une raison très simple, parce que, en matière de développement durable et d’agriculture durable, nos populations sont des sources de savoir sur les écosystèmes locaux. Nos populations doivent être associées, parce qu’il faut qu’elles s’approprient les activités de régénération et de préservation de nos forêts. Mais aussi, parce qu’elles peuvent être des partenaires de l’agriculture commerciale, comme on le voit au Ghana avec des réseaux de petits agriculteurs de palmier à huile qui nourrissent une vraie filière commerciale d’huile de palme.
Dans cette volonté de préservation de vos forêts, il y a également des espèces rares à protéger dans la forêt gabonaise…
NNM : Effectivement. Nous avons déjà cinq espèces qu’on ne peut plus exploiter, parmi lesquels le Moabi qui produit des fruits dont on peut extraire des huiles. Mais, on verra. Chaque fois qu’une espèce sera surexploitée ou en voie de disparition, on prendra des mesures pour la protéger.
Quelles sont les incitations offertes aux investisseurs étrangers qui souhaitent investir dans l’exploitation forestière au Gabon ?
NNM : Les investisseurs qui veulent s’installer dans la filière bois peuvent faire beaucoup de choses au Gabon. Ils peuvent être de simples exploitants, c’est-à-dire couper la grume et la vendre, ils peuvent être industriels, c’est-à-dire avoir un permis forestier, couper du bois, le transformer sur place pour l’exporter. C’est à chacun sa stratégie d’investissement. Il y a un cadre juridique, il y a un code forestier qui existe, qui est peut-être en révision, mais qui fixe les paramètres de l’exploitation forestière. Bien sûr, il y a des incitations pour ceux qui veulent investir dans le secteur. Lorsque vous voulez installer une usine de transformation, vous pouvez importer des machines avec des abattements fiscalo-douaniers. Il y a des incitations de cette nature et plusieurs autres pour les investisseurs qui s’intéressent au secteur forestier gabonais.
PRESSE ET COMMUNICATION AHRRGM
Source : Le Nouveau Gabon